Comment ce petit pays, à la production cinématographique discrète (douze films par an, ce qui est bien loin de celle de ses voisins européens), arrive-t-il à se glisser dans la majorité des sélections des plus grands festivals de cinéma, preuve d’une vigueur créatrice due à l’engagement et à l’action de ses acteurs, producteurs, techniciens et réalisateurs ? C’est ce mystère portugais qui nous a poussé, cette année, à en explorer les contours.
Première silhouette de ce paysage, Manoel de Oliveira, qui incarne à lui seul ce miracle portugais. Malgré une totale absence de moyens, il réalise son premier film, Douro Faina Fluvial (1931), qui pose les fondations d’une œuvre profondément poétique. Si la dictature salazariste, à l’aube des années 30, resserre les frontières et écarte les sujets sociaux et politiques, elle ne parvient pas à étouffer la vitalité d’un cinéma cherchant en permanence à se renouveler d’un point de vue formel. Les courants esthétiques européens irriguent le cinéma portugais, permettant à deux cinémas de cohabiter : un qui se revendique d’Antonioni et des cinéastes de la Nouvelle Vague française, l’autre qui prolonge la veine réaliste, avec au premier rang Paulo Rocha et ses Vertes Années (1963). La Révolution des Œillets, le 25 avril 1974, marque un retour profond au cinéma politique, au documentaire fiction. Puis, en parallèle d’un cinéma expérimental incarné par le réalisateur António Reis, se déploie un cinéma littéraire, original porté à l’étranger par le producteur Paulo Branco à qui on doit la découverte du cinéma de João César Monteiro et la redécouverte du génie de Oliveira.
Ces recherches stylistiques se poursuivent au cours des décennies suivantes où les réalisateurs n’ont de cesse de jouer avec les codes et de brouiller les genres. La veine documentaire irrigue la fiction chez Pedro Costa (En avant jeunesse !, 2006) ou encore chez João Pedro Rodrigues qui dans La Dernière Fois que j’ai vu Macao (2012) ose le métissage d’une intrigue de polar filmée en plans documentaires. Le documentaire a d’ailleurs ses lettres de noblesse avec João Pedro Placido et Joaquim Pinto qui explorent les dernières heures d’un monde rural, artisanal. La crise économique, subie par le Portugal, est partout, elle suinte dans les images filmées de Teresa Villaverde, de Marco Martins. Le réel y est cru, obsédant ; il y a urgence à le réenchanter, que ce soit par la fable, le récit mythique chez Miguel Gomes (Tabou – 2012), ou par le désir qui se meut à travers les corps des jeunes filles de John From (2016) de João Nicolau. Dès lors, le réalisme se teinte de magie, s’ouvre à toutes les fantasmagories. Une invitation au voyage, pour nous autres spectateurs, et à découvrir la vitalité d’un cinéma encore trop méconnu en France.
Ne ratez aucune séance au Cinéville Garenne avec la grille horaire.
Soirée d’ouverture des 17e Rencontres du Cinéma Européen à Vannes : Le Mercredi 14 Mars à 20H30 au Cinéville Garenne – Soleil Battant – En présence des réalisatrices Clara et Laura Laperrousaz
Liste des films du « Panorama portugais » diffusés pendant les 17e Rencontres du Cinéma Européen :
- Aniki Bóbó
- La Cage Dorée
- Capitaines d’Avril
- Ce cher mois d’août
- Le Chant d’une Île
- Cinéma d’animation Monstra
- La dernière fois que j’ai vu Macao
- Douro, Faina Fluvial
- En avant, jeunesse
- L’étrange affaire Angélica
- Fados
- Le garçon et le monde
- Gebo et l’ombre
- Les grandes ondes
- Je rentre à la maison
- John From
- La Lettre
- Maria Do Mar
- Menina
- Moradores
- Les mystères de Lisbonne
- L’ornithologue
- Quatre murs et le monde
- Requiem
- Saint-Georges
- Soleil battant
- Tabou
- Tous les rêves du monde
- L’usine de rien
- La vie au loin
- Visites ou mémoires et confessions
- Volta a Terra